La tempête Filomena qu’a connue l’Espagne les 8 et 9 janvier dernier a poussé le pays a placé 5 régions en alerte rouge. Les panneaux solaires, bien sûr, n'ont pas été épargnés par ces chutes de neige historiques. Or la neige et la glace peuvent entraver la performance et l’opérabilité des installations photovoltaïques. Quelles conséquences ? Quels effets positifs inattendus peuvent en résulter ?

Le vendredi 8 janvier dernier, l’Espagne a été surprise par un épisode climatique historique : une tempête de neige, nommée Filomena, comme elle n’en avait plus vécu depuis plus de 50 ans. Le 9 janvier, l’agence espagnole de météorologie rapportait que 20 à 30 centimètres de neige recouvrait désormais les rues de la capitale madrilène.
Un environnement météorologique extrême qui n’a pas été sans conséquence sur les installations photovoltaïques de plusieurs régions du pays.
Comment la neige affecte-t-elle les performances des panneaux solaires ?
Les panneaux solaires seront plus ou moins affectés selon leur angle d’orientation et la technologie utilisée. Une étude, publiée en 2013 par des chercheurs de l’université de Queens, effectuée sur des panneaux cristallins dans le sud-ouest de l’Ontario au Canada fait état d’une réduction de 3,5 % du rendement annuel en cas de neige.
Javier Ascensio, président directeur général de Vector Renewables, stipule qu’une couche de 3 ou 4 centimètres de neige peut entraîner l’arrêt complet d’un panneau solaire conventionnel : « Si, à cela, nous ajoutons un ciel nuageux, la performance est pratiquement nulle ou tend à ne pas être pertinente » a-t-il indiqué.
Quels dommages sur les composants solaires ?
Selon Jesús Vega, spécialiste du photovoltaïque résidentiel, les composants solaires sont a priori préparés à une situation de chute de neige courante car ils disposent généralement de compartiments étanches. Cependant, divers problèmes peuvent survenir, et ce, pour plusieurs raisons, à commencer par un mauvais calcul et la mauvaise conception des structures.
Vega précise que le poids supplémentaire des panneaux combiné à l’effet du vent peut entraîner la torsion et la casse de la structure : « Nous constatons que de nombreux fabricants de structures ajustent tellement leurs coûts que lorsqu’un événement exceptionnel lié à la neige ou au vent se produit, les structures peuvent tomber en panne ou les panneaux peuvent s’envoler. C’est un problème croissant dans l’industrie […] aggravé ces jours-ci par [cette] chute de neige historique ».
Et Javier Ascensio d’ajouter : « Nous pensons qu’un audit indépendant des fabricants dans la conception des structures photovoltaïques est nécessaire. »
Les boîtiers de raccordement et les onduleurs à risque
Malgré leur étanchéité, les autres composants susceptibles de tomber en panne selon Vega sont les boîtiers de raccordement et les onduleurs en raison de l’excès d’humidité. « En principe, les onduleurs doivent être couverts […]. Cela devrait suffire, mais il y a des installateurs et des électriciens qui [n’ont pas connaissance] des particularités du solaire et souvent, […] l’eau s’infiltre dans les connexions et peut se transformer en glace dans ces cas-là. » Dans des endroits humides ou tropicaux, une protection IP 66 voire IP 67 serait recommandée de l’avis de Vega.
Quelles sont les technologies les plus efficaces en cas de chute de neige ?
La technologie des modules bifaciaux semble susciter un consensus au sein de l'industrie quant à son efficacité. Si l'on ajoute la neige à l'augmentation de performance habituelle due à l'effet d'albédo, les panneaux bifaciaux semblent être le choix optimal pour les zones où il y a régulièrement de la glace, de la neige ou de la grêle. Cependant, selon Asensio, l'amélioration des performances avec la neige n'est pas très perceptible si la surface d'exposition directe est couverte. « Dans le meilleur des cas, nous parlons d'une augmentation de 15 % des performances de la couche arrière des modules, de sorte qu'en cas de chute de neige, ils génèrent quelque chose. Même ainsi, si la surface supérieure n'est pas nettoyée, le rendement sera très faible », explique M. Asensio.
En tout cas, le facteur neige semble avoir peu de poids dans le choix ou non des panneaux bifaciaux. « La technologie se consolide en tant que courant dominant et l'augmentation de la génération en temps de neige avec un biface peut être importante à un moment précis mais à long terme est réduite. Les écologistes optent de toute façon pour les bifaciaux. La neige n'est pas le facteur décisif », explique M. Vega.
Qu’arrive-t-il si je ne fais rien ? Quid de la maintenance ?
Il semble logique de conclure que le déneigement est la meilleure option pour récupérer les performances des panneaux. Cependant, nos experts ont des avis partagés. Jesús Vega recommande, pour des installations photovoltaïques en milieu résidentiel, de les nettoyer uniquement si elles sont sur un toit horizontal et sûr car « nettoyer un toit en pente est très dangereux, même pour un spécialiste. »
Si vous avez tout de même l’intention de le faire, il faut être extrêmement précautionneux.se en utilisant un équipement spécifique et des liquides de dégivrage autorisés ou même de l’eau avec de l’alcool.
Javier Ascensio pense, en ce qui concerne les grandes usines, qu’il s’agit d’une décision soumise aux circonstances de chacun. Si l’accumulation de neige persiste, il estime qu’il peut être nécessaire d’engager une équipe d’entretien, mais souligne que dans la plupart des cas, rien ne doit être fait : « La neige glisse généralement en 2 ou 3 jours. La perte de rendement, surtout à une période de l'année où la production est faible, ne vaut généralement pas la dépense supplémentaire », assure-t-il.
Y a-t-il des effets positifs à une chute de neige sur les panneaux solaires ?
Oui, cela ne semble pas intuitif, mais l'adage "année de neige, année de biens" pourrait également s'appliquer au photovoltaïque. Outre l'augmentation bien connue du rendement due à l'albédo, il en existe une moins évidente : la surface sombre des cellules a tendance à attirer plus de chaleur, ce qui provoque un dégel de la surface et génère un glissement probable à 30 degrés d'inclinaison, comme c'est le cas en Espagne. Cela peut conduire à un meilleur déblaiement des panneaux une fois que la neige a glissé. Un effet similaire à la pluie mais plus profond. Pensez à la neige qui glisse sur le pare-brise chauffé d'une voiture. Le pare-brise est particulièrement propre et brillant.
En conclusion
Actuellement, l'effet des chutes de neige sur les nouvelles technologies est encore à l'étude. Une étude de trois ans menée par l’un des laboratoires nationaux du département de l’Énergie des États-Unis, les laboratoires Sandia, est actuellement en cours pour évaluer la performance des panneaux bifaciaux dans les régions où il y a jusqu'à 6 mois de chute de neige.
Un résumé préliminaire de cette étude conclut que pendant les mois d'hiver, les modules bifaciaux génèrent jusqu'à 40 % d'énergie en plus qu'un module conventionnel. ll ne fait aucun doute que la neige a un poids important sur les marchés où elle peut rester jusqu'à 4 ou 5 mois sur le sol, comme aux États-Unis, au Canada ou en Europe du Nord.
La tempête Filomena en Espagne, qui a généré un chaos considérable dans le pays, pourrait ne pas être un phénomène isolé et devenir un nouveau modèle dérivé du changement climatique selon l'opinion de certain.e.s. Dans ce cas, il sera sans doute nécessaire de revoir une série de paramètres de calcul à moyen et long terme. Le temps nous dira si Filomena était un événement ponctuel ou s'il a fait partie de la "nouvelle normalité".
Source (en espagnol)